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Writer's pictureSophie (SoExotic)

La Suisse; coup de tête, coup dur

Après trois semaines à fouler la moquette tigrée du Pink Paradise, mon contrat touchant à sa fin, il était temps de reprendre la route vers de nouvelles aventures. C'est au fil des conversations, conseils et retour d'expérience partagés avec mes consœurs strip-teaseuses que j'affinais mes recherches et optais pour la Suisse.



Long Dress Code by Sophie Atlan, Pink Paradise Paris, PoleFit Studio
Long Dress Code Pink Paradise Paris

Le caractère confidentiel des Gentlemen clubs

Circulez, il n'y a rien à voir !


Enthousiaste à l'idée de reprendre la route pour la suite de mon strip tour, je contactais le gérant du Sensi "Strip Club & Table Dance Club" de Genève qui me proposait une place dans les trois semaines à venir. . . Lieu Intimiste et de bonne réputation, j'avais été séduite par les témoignages récoltés lors de mon séjour au Pink à propos de ce club. Hébergement de bon standing, clientèle variée et qualitative, gestion bien ordonnée ; le patron était décrit comme "un homme fiable" et plutôt "apprécié" des danseuses. À ma surprise, le Sensi était l'unique club de strip-tease de la ville et se distinguait volontairement des autres clubs appelés Bar à Champagne.

À cette époque, n'y connaissant pas grand-chose, je menais régulièrement des recherches sur les clubs qui s'avéraient souvent peu fructueuses. Je ne trouvais que des informations formelles, des commentaires provenant de la clientèle, peu d'images, aucune de vidéo. Je constatais que le milieu du strip-tease était davantage une affaire de bouche-à-oreille et de contacts que de recherches sur le web. Le caractère confidentiel des Gentlemen clubs poussaient-ils les acteurs de ce milieu au silence ? À mon grand étonnement, je ne trouvais que de rares témoignages de strip-teaseuses ; couramment pour survoler quelques sujets croustillants et guère pour en divulguer ses aspects occultés. Je ne trouvais aucune mention ou indication tangible pour m'orienter sur la cartographie opaque du monde des strip clubs. Il fallait se faire une idée de tout avec rien.

De sites web en sites web, je récoltais les coordonnées et contactais les clubs qui me paraissaient d'un standing correct. J'obtenais peu de réponses, mais je parvenais tant bien que mal à opérer une sélection de points de passage jusqu'à mon entrée au Sensi.

Quelque peu naïve et ignorante, je partais de l'idée qu'un Bar à Champagne, était un lieu festif comme un autre, avec des danseuses et une barre de pole danse en plus... Je ne faisais ainsi pas de réelle distinction entre les clubs de strip-tease et les Bars à Champagne. Je les contactais tous, les uns après les autres, mails après mails. J'étais pétrie de doutes et d'appréhensions, mais il fallait avancer et planifier les étapes coûte que coûte.

Un ticket de train en main, remplie d'espoirs et d'excitation, j'entamais un voyage de quatre heures pour me rendre à Zurich, la première étape transitoire appelée le Red Lips. Quelques jours plus tard, je plierai à nouveau bagage pour Genève et écoulerai les derniers moments d'attente dans le club l'Aigle Noir.




Le Red Lips de Zurich

Le coup dur

Sophie Atlan, PoleFit Blog

Je ne me souviens qu'à peine de cette étape, si ce n'est qu'elle fut déstabilisante et peu réjouissante.

Je me souviens être arrivée au club en pleine journée. Ma chambre se situait à l'étage, juste au dessus du club. Il fallait entrer un code pour obtenir la clé et accéder à ma chambre. Je me souviens de nombreux étages parcourus avec ma valise pour arriver jusqu'à ma chambre. Chambre plutôt correcte dans un appartement spacieux partagé avec d'autres strip-teaseuses. Je m'installais dans ma chambre, appréciais la vue sur les immeubles atypiques et colorés de Zurich.

Je m'y sentais bien, j'avais hâte de découvrir la ville, le club et faire connaissance avec mes nouvelles consoeurs strip-teaseuses.



Mais la joie fut de courte durée. Je découvrais l'univers du bar à champagne; séduire pour vendre des bouteilles de Ruinart, encore et encore jusqu'au bout de la nuit. Une scène minuscule avec pour barre de pole dance un pilier trop épais et glissant. Peu de clients, la période n'était pas la meilleure, l'ennui était courant. Des heures à attendre dans une ambiance qui faisait semblant d'exister.

La prostitution étant légale en Suisse, je m'apercevais vite que le profit réel ne se comptait pas en terme de bouteilles mais en terme de clients. Mes consoeurs, principalement d'Europe de l'Est, se montraient déterminées, à la recherche de leur émancipation financière. Endurcies d'un passé qu'elles ne souhaitaient plus revivre, le bar à champagne était un espoir pour s'offrir une vie meilleure et aider leur famille au pays. Les clients étaient souvent des hommes d'affaire, de bonne éducation et discrets; des partis de choix pour peut-être, un jour, vivre l'amour...

Après une intense et excitante éxperience au Pink de Paris, je me retrouvais plongée dans le milieu de la prostitution, un monde que j'étais loin d'imaginer côtoyer un jour. Assistée par cadre sécurisé et bénéficiant d'une clientèle assez qualitative, la prostitution se marchandait dans les bonnes manières et selon le règlement stricte du club.

Les directives étaient bien réglées. En premier lieu, le client s'acquitait d'une compensation financière versée au club pour palier à l'absence de sa belle et accéder à sa chambre. Pour un temps imparti ou pour toute la nuit, le tarif de la prestation se décidait entre le client et la prostituée. Les choses se coordonnaient de façon tout à fait conventionnelle entre l'équipe, les filles et la clientèle.


Je n'étais forcée à rien et le patron savait que je n'étais pas venue dans ce but là. Sauf que j'ai rapidement fait tâche au milieu de ce business juteux, ne rapportant pas le profit éspéré. L'entente avec l'équipe n'était pas au rendez-vous, je m'ennuyais, je refusais les demandes des clients, le séjour pris fin avant l'heure.

Par chance, le club de ma prochaine destination me proposait une chambre avant la date prévue. Un billet de train plus tard et la valise prête, je me rendais avec enthousiame à Genève!



L'Aigle Noir de Genève

Le coup dur continue

Sophie Atlan, PoleFit Blog

Après tant d'aventures dont je ne saisissais pas encore le sens, j'éprouvais le besoin d'écrire, d'en parler, d'y réfléchir.

Mon petit studio, situé au dessus du club, était mon refuge. Lorsque je me retrouvais enfin seule, je repensais à tout ce que j'avais vécu jusqu'alors.

Je ne voulais rien oublier, surtout les détails.

Cependant, tant d'événements se produisaient chaque soir, chaque jour, que c'est à présent ma mémoire qui est mise à rude épreuve pour vous restituer une partie de ce vécu...


Mais il y a ce texte, écrit en 2019, peu de temps après mon arrivée à l'Aigle Noir. Sans détours, j'y raconte le second coup dur de mes péripéties.


Sophie Atlan, PoleFit Blog

''Nous sommes le Mercredi 11 avril 2019, je me trouve à Genève, dans le quartier du Pâquis. Ce petit nom champêtre pourrait bien vous tromper, car ici les fleurs sont des prostituées et leur prairie des vitrines et des bars à champagne. Portant officiellement le nom de Cabaret, ces bars n'en sont rien. Du moins pour une française dont la culture est le Cabaret français: un lieu cosy et raffiné où l'ont y présente des spectacles légers et sensuels, un endroit intime où les corps dansent pour en faire vibrer d'autres. La danse strip-tease a su éveiller chez moi une fascination telle que seule l’expérimentation était en mesure de nourrir mes pensées et questionnements incessants. Sa beauté, son essence, sa face cachée, le vaste dégradé des perceptions qui unissent et distinguent la sensualité de la sexualité. Cette fine frontière qui ne tient qu'à un fil et qui regorge de ce jus exquis de la vie en l'amour, la créativité, la performance, l’esthétisme... Une expérience tellement unique que je l'ai ''rêvé'' et que les désillusions sont bien vite apparues.

J'ignorais tout de cette réalité jusqu'à ce que mon GPS me guide dans un quartier étrange de Genève, persuadée l'espace d'un instant qu'il y avait une erreur dans l'adresse, mais non. Après plus de trois semaines endiablées et intensives au Pink Paradise de Paris, j'avais décidé de prendre le large pour la Suisse. Je me disais qu'il devait y avoir un potentiel intéressant, non seulement au niveau de la clientèle mais aussi des clubs. La réalité est venue à moi sans détour, dans un raccourci tel que mon unique réponse fut l'adaptation et la foi en ma destinée. Je me dis que ces choses font parti de l'aventure et que seule compte la manière dont on les traverse et les transforme. Je travaille six jours sur sept dans un cabaret, un endroit assez fréquenté. C'est en réalité un bar à champagne dans lequel les filles, venues pour la plupart de Roumanie, gagnent leur vie sur les consommations d'alcool et ce qu'elles appellent ''sortir avec les clients''. Au départ je pensais qu'il s'agissait réellement de sortir en dehors du club avec les clients pour leur tenir compagnie, au restaurant ou ailleurs.

Il y a dans le club une barre de pole dance, ou devrais-je dire une barre industrielle, beaucoup trop large à agripper. Une jolie scène en verre éclairée par des jeux de lumière ainsi qu'un cracheur de fumée pour bien étouffer la danseuse lorsqu'elle monte sur scène.

Je ne sors pas avec les clients mais je danse avec le cœur, parfois j'en oublie même d'enlever le haut. J'ai perdu ma pudeur au fil du temps à force de danser pour des événements; les artistes sont souvent dans la même loge et n'ont pas une seconde à perdre pour se changer. Mais je n'ai jamais compris cette règle qui veut que l'on danse la poitrine nue en milieu de danse, sur la scène du club. L'exposition de la poitrine des femmes devient alors débilisante, elle hypnose tétons dans les yeux, attire ou repousse, fait sujet à jugements et commentaires; peu des filles savent danser, on assiste plus à un instant séduction qu'à une danse artistique.

J'entends tout ce qui ne se dit pas, je vois tout ce qui est caché et je persévère pour toucher chaque jour des vérités que j'ignore aussi bien sur moi-même que sur le monde.

Je commence tous les jours à 21 heure pour terminer à 5 heure du matin. Je dors peu, jusqu'à midi ou 13h, mais c'est mon rythme et chaque jour je me rends à la salle de sport pendant de longues heures afin de remplir mes objectifs. Rien ne me rend plus heureuse que d'être en accord avec mes buts; lorsque je me sens bien dans mon corps et relaxée, alors tout me paraît à sa juste place.

J'aime me préparer pour descendre au club, j'ai pris le goût pour le maquillage et le petit café au bar qui va bien pour commencer. Je ne bois pas d'alcool et j'ai demandé aux barmaids de me servir du perrier-pomme lorsqu'un client m'offre une coupe. Parfois c'est même de l'eau que je bois. Je ne consomme aucune drogue et si l'on devait m'offrir une bouteille de champagne alors j'en jetterais les trois quarts partout où je le pourrais. Les milliers de bouteilles consommées dans ce club ont toutes fini par être absorbées par la moquette qui glu au sol les chaises du bar. C'est à la fois comique et pathétique, ce n'est pas le Magnum que l'on achète, c'est l'argent qu'il rapporte. Le client croit en son pouvoir d'achat qui est gaspillé aux quatre coins des moquettes. L'idée n'est pas d’apprécier mais de vider le contenu de chaque bouteille dans les meilleurs délais. Sans doute que beaucoup de filles s'appuient sur cette consommation pour leur permettre ensuite de ''sortir avec le client'' plus facilement. Tristement, d'après le témoignage de certaines, elles rencontrent des problèmes gastriques assez lourds ne leur permettant plus de consommer le doux poison de la richesse.

Un jour au bar l'une d'entre elle m'a demandé mon âge, j'ai répondu que j'avais 34 ans en lui renvoyant sa question. Plus jeune que moi de quatre années elle finit par me dire ''J'espère aussi que j'arriverais à mes 34 ans''. Ne réalisant par la portée morbide de sa réponse, je m'empressais de lui dire que tout naturellement elle atteindrait ses 34 ans. Puis j'ai fini par comprendre que cet élixir qu'est le champagne était tel un pistolet posé sur la tempe de ces filles qui jouaient à la roulette russe, années après années. Il y a beaucoup de mondes où le travail n'est pas la santé.

Aujourd'hui je suis en congés. Hier soir j'ai revu ce client, un homme d'une cinquantaine d'années ayant réussi dans les affaires mais toujours célibataire et sans enfant. Perdu dans l'illusion que l'amour n'existe pas et qu'il est sur le point de rater sa vie, il venait chercher compagnie et conforter son désespoir auprès de femmes qui n'ont pas plus de respect qu'il n'en a pour lui-même.

La première fois que nous sommes rencontrés, nous avions beaucoup discuté et de choses très intéressantes. Malheureusement son mode de pensée était tellement saturé de croyances erronées qu'il m'invitait à dîner et m'accusait à la fois de lui mentir à chacune de mes réponses. C'est ainsi dans ce monde, certains hommes sont de vieux garçons désabusés qui ne savent plus distinguer le vrai du faux, ils caressent l'espoir qu'une femme s’intéresse à eux, mais se rendent là où elles n'ont d'yeux que pour leur portefeuille. Ils les aiment et les méprisent à la fois, ils jouissent d'un pouvoir sur elles qu'ils n'obtiennent avec aucune autre, réceptifs à la tendresse qu'elles leur apportent et craintifs de l'instant où cela prendra fin. L'alcool faisant doucement effet, ils finissent par oublier que cette compagnie n'est qu'une sordide comédie, même si les relations humaines sont elles réelles et inscrites dans les mémoires de chacun. ''



A bientôt pour la suite des aventures!


Sophie Atlan (SoExotic)



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